Nous sommes tous des moutons de Panurge, parce que c'est plus simple, parce que ça ne demande aucune réflexion et parce qu'on est sur de ne pas sortir du lot. On suit la mode, on écoute les groupes tendances, on va dans les boîtes branchées. On fait comme les autres. Pourtant, la liberté, ça commence par la possibilité de choisir. Ce n'est pas toujours évident, vanille ou chocolat, dos nu ou décolleté, il faut toujours se poser un tas de questions, prendre des décisions, sans savoir à l'avance laquelle est la plus appropriée. C'est un risque, un risque à prendre qui en vaut la peine. Pourtant, plus personne n'ose. Plus personne n'ose être soit même, clamer haut et fort qu'on préfère la montagne à la plage, qu'on rêve de devenir poète et pas ingénieur, qu'on est homosexuel et alors ! On se tait, on suit le mouvement, tête baissée, ou au contraire fier d'être une pâle copie d'une multitude. Les préjugés gouvernent la société et notre vocabulaire a acquis tant de termes dépréciatifs qu'il y en aura toujours un pour qualifier votre tentative de changement, vos efforts pour être différent, sans pour autant être « bizarre ». « Bizarre ». C'est le premier mot que les gens emploient pour décrire tout ce qui n'est pas exactement comme eux ou comme ils l'imaginent ; un chien qui boite, un nuage en forme de dragon, une définition peu claire. Mais qu'est-ce que ça veut dire quelqu'un de bizarre ? Avec des ailes qui vous poussent dans le dos, quatre bras et sept jambes, un oeil au milieu du front et la peau violette ? Non, de nos jours, quelqu'un de bizarre c'est simplement quelqu'un qui s'habille avec un peu trop de couleurs par rapport aux autres, qui se fait une coiffure originale, qui écoute des chansons surannées ou qui collectionne des timbres. Voilà ce que c'est, « d'être bizarre ». C'est être unique, c'est être différent, c'est être soi-même... Vous voyez ce groupe de gens, là-bas ? Et cet autre, un peu plus loin ? Auquel appartenez-vous ? À celui qui se pense supérieur parce qu'il suit les règles dictées par la société, ou à cet autre, qui n'a pas froid aux yeux, qui revendique ses droits sous la huée de tous ces gens, sous les rires méprisants de la grande majorité qui pense avoir tout compris mieux que personne ? Oserez-vous affirmer qui vous êtes, défendre vos idées, quel qu'en soit le prix ? Ou, vous fondrez-vous dans la masse, prétendrez avoir une forte personnalité alors que vous ne faîtes que suivre aveuglement ce que d'autres décident pour vous ? Ne pensez-pas que la réponse est simple. Parfois, un simple « oui » ou « non » est insuffisant, car ce ne sont que des paroles, des sons évaporés dans l'air. Les épreuves de la vie, notre caractère, l'influence des autres. C'est là ce qui marque vraiment la différence, ce qui nous révèle, parfois même à nous-même, qui nous sommes, de quoi nous sommes ou non capables. Et la vérité est que très peu de gens sont véritablement honnêtes et déterminés à ne pas se laisser impressionner par un fait de société qui ne fait que passer avec le temps.